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Qu'est-ce qui a bien pu susciter cette décision? Pourquoi la dictature
moscovite a-t-elle eu besoin, en ce moment, d'attenter au droit, fut-il fictif, des
républiques nationales soviétiques de s'administrer elles-mêmes? L'on ne se
représente pas l'"ornementation" des républiques autonomes sans la présence de ce
"décor" effectivement indispensable. Pourrait-on appeler république, unité
autonome, le pays qui ne posséderait pas sa propre police, qui serait administré par
des dispositions venues du dehors?..
Les autorités moscovites sont guidées, de nos jours, par d'autres
conceptions, d'un caractère plus grave que celles qui les ont guidées précédemment
lorsqu'elles donnaient aux "décors extérieurs" plus d'importance. La centralisation
du pouvoir dans les mains du dictateur Staline est un mot d'ordre qui répond
parfaitement au système caractérisé par le plan quinquennal de collectivisation et
par la militarisation hâtive de toute l'Union soviétique.
L'on n'ignore pas que les insurrections les plus sanglantes dirigées contre le
plan de la collectivisation ont eu lieu, précisément, sur les confins de l'Union. En
Azerbaïdjan et dans tout le Caucase, en Ukraine, au Turkestan et dans d'autres
républiques encore, les insurrections, paysannes se produisent sous les yeux
bienveillants de la milice locale qui, bien souvent, passe du côté des "koulaks".
Aussi, de nos jours, l'administration au Caucase, en Azerbaïdjan en particulier, est
déjà remplacée par des gens venus de Moscou.
Moscou prépare un coup décisif. L'Europe commence à s'en apercevoir. Il
se produit un processus de centralisation de toutes les forces économiques,
politiques et militaro-administratives des pays soviétiques. Si, jusqu'à ce jour et
dans l'intérêt de la propagande, les mots d'ordre décoratifs de la révolution avaient
quelque importance et s'il fallait tolérer cette forme de pouvoir dans les républiques
nationales de l'Union, il n'en est plus de même aujourd'hui. On a convenu
désormais, dans l'intérêt même des opérations révolutionnaires, de ne plus prendre
en considération les conditions susceptibles d'empêcher la réalisation du but préala-
blement fixé.
Lorsque, pour réaliser des rêves fantaisistes, sans le moindre remords de
conscience, le fanatisme insensé est prêt à précipiter dans la misère et dans la
servitude des millions de sujets, croit-on qu'il soit disposé à compter avec de vaines
formes extérieures, sans valeur aucune à ses yeux? Non, ces formes extérieures,
dans les conditions actuelles, ne peuvent, à son avis, qu'être pour lui un obstacle.
Effectivement, ce point de vue a sa raison d'être. Nous aurions tort quant à
nous, de ne pas en tirer nos conclusions. En présence de ce nouvel acte
d'asservissement national, et en raison des événements qui s'annoncent, nous,
peuples asservis de l'Union soviétique, devons être prêts à toute éventualité!
M.E. Rassoul Zadé