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socialisme "scientifique", est plutôt un courant né de l'esprit utopiste et anarchiste
russe.
Les causes sociologiques qui alimentent et renferment ce courant ne sont
pas le fait du seul mouvement ouvrier, elles sont plutôt le résultat de
mécontentements sociaux. Par ses principes extrémistes, par ses promesses
trompeuses, susceptibles d'impressionner les esprits simples et primitifs, le
bolchévisme peut, au moment de son apparition, tourner la tête de certains
individus. Dans la période de transformation que traverse les pays orientaux, imbus
et animés des grands idéals historiques, tels que l'unité nationale, l'indépendance et
la démocratie nationale, il est impossible de satisfaire d'un seul coup à tous les
besoins du pays et de contenter toutes les classes et tous les groupements.
Il est possible, au contraire, que, par suite des nécessités de l'œuvre
entreprise, le nombre des mécontents ait provisoirement augmenté. En pareil cas, le
courant qui menacerait les démocraties nationales serait plutôt une réaction rouge
que noire. Il peut arriver même que le communisme se serve secrètement de
certains groupements avec lesquels il n'aurait aucune affinité dans l'idéal poursuivi,
et à l'égard desquels il peut devenir hostile, ennemi même dans l'avenir. Dans les
pays d'Orient, y compris la Turquie, les réactions ont toujours été comme des
instruments pour les intrigues de l'étranger. Il en a été de même pour le dernier
mouvement réactionnaire, en Turquie; mais cette fois il a été bien puni. Il n'a,
d'ailleurs, en raison de son passé et vu les nécessités du temps présent, conservé
aucun crédit. Par contre, les intrigues du communisme n'ont pas le même caractère;
il est capable d'influeucer la jeunesse. D'autre part, en raison des nécessités de la
politique internationale, la politique suivie jusqu'à présent, en Turquie par exemple,
n'a pas manqué d'agir d'une façon objective sur cet égarement des esprits. Par
conséquent, tout en appliquant les réformes qu'exige la démocratie, il est bon aussi
de faire attention aux intrigues de la III Internationale, ces intrigues pouvant fort
bien compromettre ces réformes.
Ceci est très important en ce moment. Car le communisme, sentant sa fin
s'approcher, dans l'espoir de respirer plus librement dans l'encerclement
international qui l'enserre, se voit obligé de pousser les nations orientales à des
actes extrémistes et, pour donner aux luttes de l'indépendance de ces nations la
forme qui lui conviendrait le mieux, il voudrait jouer un rôle plus agissant sur ces
mouvements. C'est en cela que réside toute la portée des événements de Chine et
c'est à cela que faisait allusion la formule de M. Boukharine. C'est aussi ce résultat
que voudraient obtenir M. Kitaygorodski et le parti communiste de Turquie. En
présence de tels désirs ainsi cristallisés, ne nous laissons pas berner par l'assurance
que manifestent certains journaux lorsqu'ils déclarent que la Turquie n'est pas
encore un pays "industriellement développé".