l’armée russe, et cette faute produit de grands mécontentements. Des soldats qui
ont servi si long-temps en France, et qui ont été traités comme des hommes, se
trouvent très-humilités d’une discipline barbare, et prêtent de très-mauves grâce
leur dos aux coups de bâton dont on fait si bon marché en Russie. La discipline
russe met les officier polonais au désespoire; plusieur se voyant maltraités par
leur supérieurs, et ne pouvant se venger, ont cru devoir à leur honneurs de laver
leur outrage dans leur proper sang. C’est ainsi qu’a fini, entre autres, le jeune
Wilezek, officier distingué de l’ex-garde impériale, regretté à juste titre de tout
le monde. Bien d’autres officiers, ne pouvant souffrir un outrage, et ne se sentant
pas la force de se donner la mort, ont préféré se retirer du service; mais n’ayant
d’autre fortune que leurs blessures et leur épée, ils ont pris le froc. Aujourd’hui,
un voyageur qui vivsite en Pologne les couvens de capucins, de carmes, de
bernardins, est tout étonné de trouver fréquemment des cellules ornés des
insignes de la légion-d’honneur, de la croix virtuti militari; etc., etc., et de les
voir parées des états de service, campagnes, blessure, et des brevets obtenus par
les braves pour des actions d’éclat, dans les campagnes de Saint-Domingue,
d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, etc.
La constitution polonaise est un beau monument; elle consacre et protége
tous les droits. Le pouvoir exécutif présente néanmoins quelques inconvéniens,
le souverain est represénté par le vice-roi; toutefois beaucoup de choses se font à
Pétersbourg. Le souverain est constitutionnel à Warsovie, mais peut se render
absolu à Pétersbourg; il est à Warsovie le pouvoir exécutif suivant la loi, et il est
à Pétersbourg de fait au-dessus de la loi. Le ministère de M. Nowosilltzow
rappelle un peu aux Polonais le temps de Stakelberg.
L’ouverture de la diète de Warsovie est un événement unique. Dans la siècle
où les plébéiens prêchent le pouvoir absolu, l’un des plus puissans souverains
du monde proclame les saintes maxims de la liberté; dans le moment où des
souverains éludent les promesses qu’ils ont faites à leurs peuples, Alexandre,
sans avoir pris aucun engagement, donne de lui-même au peuple polonais une
constitution libérale et sagement pondérée.
Il faut espérer que bientôt les autre anciennes provinces de la Pologne
jouiront du même avantage; tous ces peuples sont des frères, sont des Polonais
de la race des anciens Sarmates, ils ont tous les mêmes moeurs et la même
civilisation; et pourquoi n’auraient-ils pas les mêmes droits? Mais l’homme qui
forme des désirs, réalise ses voeux en un moment, il marche aussi vite que
l’espérance; celui qui conduit un dessein ne peut rien faire avec le temps; le
temps est le maitre de toutes les choses humaines. Qui ne sème pas dans la
saison favorable ne recueille que des fruits amers. D’ailleurs, dans les états les
plus despotiques, les souverains ont toujours des ménagemens à garder. En
Russie, par exemple, le sénat peut former une opposition assez forte, et
contrarier ou retarder l’exécution des plus sages desseins. Nous avons ici des
hommes qui, gâté par deux règnes célèbres de femmes, soupirent après la
gynécocratie; nous avons des indifférens qui prennent intérêt à rien et blâment